On a coutume de lire ici ou là que la première femme qui fut décorée de la Légion d'Honneur, le 20 juin 1808 (il y a 198 ans aujourd'hui) était Jeanne-Marie Schellinck.
Cette femme, née à Gand le 25 juillet 1757, s'était engagée au 2ème bataillon belge le 13 avril 1792, caporal le 15 juin 1792, sergent le 7 décembre 1793, reçut 13 (!!) blessures dont 6 coups de sabre à la bataille de Jemmapes. Il est souvent écrit dans ses biographies qu'elle combattit en Italie en 1800, en Allemagne en 1805, blessée à Austerlitz et à Iéna, retirée du service en 1808 après avoir été décorée le 20 juin 1808, des mains mêmes de l'Empereur, de la Légion d'Honneur.
Malheureusement, Jeanne-Marie Schellinck, qui épousa Louis-Joseph Decarnin, lieutenant au 8ème léger, quitta en fait le service en 1795, et suivit ensuite son mari durant les campagnes d'Italie et de Dalmatie. Mais elle ne fut jamais décorée de la Légion d'Honneur (le 20 juiin 1808, Napoléon était à Bayonne, et Jeanne-Marie Schellinck...à Lille). Aucune femme ne fut jamais décorée de la Légion d'Honneur par Napoléon. C'était une belle légende, qui n'enléve rien à la bravoure et aux exploits de cette femme, mais uniquement avant 1795.
Pour mémoire, la première femme Légionnaire demeure (pour toujours) Angélique-Marie-Joseph Brulon née Duchemin, décorée le 15 août 1851 par le neveu, Napoléon III.
Jeanne-Marie Schellinck l'aurait pourtant grandement méritée, la Légion d'Honneur...
J'en profite pour rappeler le souvenir de toutes ces femmes courageuses qui, sans être soldats, ont suivi la Grande Armée, au péril de leurs vies.
"A travers les âges, aucune population féminine n'a été comparable à celle qui a suivi la Grande Armée dans ces milliers de voitures cahotantes, à travers la poussière, la boue et la neige."
Un exemple parmi tant d'autres :
" La vivandière Casajus, 57e de ligne, sera citée à l'ordre du jour pour avoir, lors de la bataille de Guttstadt, 'malgré une pluie de balles, pénétré par deux fois dans un ravin où nos troupes se battaient, afin de leur distribuer gratis deux barils d'eau de vie' ".
(Georges Blond)
Elle n'a pas eu la Légion d'Honneur, cette vivandière, mais elle a quand même été "citée à l'ordre du jour"... :aime:
por memoire
Marie-Angélique Duchemin prit l'uniforme du régiment(42 RI) à la mort de son mari en 1791. Elle servit jusqu'en 1799. Sous-Lieutenant et chevalier de la Légion d'Honneur, elle fut blessée 2 fois.
Et encore une petite, pour ne pas oublier toutes les "anonymes" qui se sont dévouées :
"Des femmes, il en faut pour les bivouacs, les cantines, les pansements s'il y a des escarmouches.
Il en faut pour consoler, pour aider, parce que rien ne remplace la voix, les mains et les bras d'une femme.
Elles aident les gars à mourir..."
(Marcel Gobineau - Les Cent Jours de Désirée Escarène)
C'est pas beau, çà? On ne parle pas assez de l'importance du rôle des femmes...
Voilà ce que j’ai trouvé dans « La Légion D’Honneur » De L. Bonneville De Marsangy Editions Neuf page 230-232
En nommant, le 15 août 1851, la première légionnaire, le Prince Président atteignit en fait un double but : il décora non seulement une femme, mais une survivante des combats de la Grande Révolution, dont il se voulait, à son tour, le continuateur.
Marie Duchemin, née à Dinan (Côtes-du-Nord) le 20janvier 1772, appartenait à une famille de soldats. Sans parler de ses deux frères qui seront tués en Italie sur le champ de bataille, son père servait au 42ème d’infanterie. Fort jeune, elle épousa un soldat nommé Brulon, de ce même régiment. Le 42ème ayant été envoyé en Corse, elle accompagnera son père et son mari ; mais, ce dernier étant mort à Ajaccio en 1791 après sept ans de service, elle résolut presque aussitôt, bien qu’elle eu à peine vingt ans, de s’engager pour rester auprès de son père. Duchemin étant décédé l’année suivante (1793), comptant trente huit ans de service, sa fille ne quitte pas pour cela l’uniforme; et, jusqu’à la fin de 1798, elle fait en Corse toutes les campagnes de la guerre, dites de Liberté ; elle avait obtenu successivement les grades de caporal, caporal fourrier, sergent major. Partout où elle fut engagée, elle déploya la plus grande bravoure. Voici l témoignage de ses compagnons relatifs à la défense du fort de Gesco : « Nous soussignés, caporal et soldats du détachement du 42ème régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II, la citoyenne marie angélique Josèphe Duchemin, veuve Brulon, caporal fourrier, faisant fonction de sergent, nous commandait à l’affaire du fort de Gesco ; qu’elle s’est battue avec nous avec le courage d’une héroïne ; que les rebelles corses et les Anglais ayant chargé d’assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l’arme blanche ; qu’elle a reçu un coup de sabre au bras droit et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche, que nous voyant manquer de munitions, à minuit, elle partit, quoique blessée, pour Calvi, à une demi lieue, où, par le zèle et le courage d’une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes, qu’elle nous amena elle même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l’ennemi et de conserver le fort, et qu’enfin nous n’avons qu’à nous louer de son commandement »
A quelques temps de là, dans une rixe en Corse, elle sauva la vie au capitaine de Vedel, plus tard général, en désarmant, au milieu d’une foule surexcitée, un forcené qui allait frapper le vaillant officier.
Enfin au siège de Calvi, elle affronta les plus grands périls ; notamment dans une sortie elle fit feu avec les tirailleurs, s’avançant toujours plus près de l’ennemi, bien qu’une balle eût traversé son bonnet de police. Plusieurs jours après, au moment où elle manoeuvrait une pièce de canon dans le bastion dont la défense lui était confiée, elle tomba grièvement blessée à la jambe gauche par un éclat d’obus [Musée de l’Armée aux Invalides. Notice sous le portrait de la veuve Brulon]. Il en résultat pour elle une infirmité qui ne lui permit plus de demeurer sous les drapeaux. C’est alors que, le 24 frimaire an VII (14 décembre 1798) elle fut admise à l’hôtel des Invalides.
Cette brave femme y a vécu soixante et un ans, entourée de l’estime de tous. En 1822, Louis XVIII tint à lui donner une récompense ; or, il était si peu dans les idées de l’époque de décorer les femmes, qu’on lui accorda, l’épaulette d’officier mais non la croix.
Mais sur le décret du 15 août 1851, elle figure en tête (partout les dames passent les premières) d’une liste de soixante dix chevaliers de la légion d’honneur : « Brulon (Angélique Marie Josèphe), sous lieutenant aux Invalides ; 7 ans de service ; 7 campagnes ; 3 blessures ; s’est plusieurs fois distinguée, notamment en Corse, en défendant un poste contre les Anglais le 5 prairial an II. »
Le nouveau légionnaire était une des célébrités, nous pourrions dire une des curiosités des Invalides, et tout personnage marquant, visitant la chapelle où reposent les cendres de Napoléon, demandait à le voir [Dans son ouvrage les Invalides, grandes éphéméries de l’Hôtel impérial des Invalides, le colonel Gérard rapporte l’entrevue de la reine d’Espagne en 1833, avec la veuve Brulon]. Il portait l’uniforme de sous lieutenant des vétérans ; et c’est sur cet uniforme que le Prince Président, s’étant rendu à l’hôtel même, attacha de sa main l’étoile de l’honneur : le chevalier avait alors soixante dix neuf ans.
« Madame veuve Brulon, officier » (pour employer les termes de l’inscription qu’elle avait fait placer sur la porte de sa chambre), mourut aux Invalides, le 13 juillet 1859.
C’est le 20 janvier 1772, à Dinan, que naît Marie-Angélique Josèphe Duchemin. Elle est l’ainée de cinq enfants. Son père, Guillaume, ancien militaire, lui dit un jour : “Angélique, c’est dommage que tu ne sois pas un garçon, tu ferais un bon soldat”.
Angélique, le 9 juillet 1789, épouse le caporal André Brulon. Elle a 17 ans, lui, 27. Elle le suit avec son régiment en Corse. Mais, le 30 décembre 1791, André meurt l’hôpital d’Ajaccio (des suites de blessure ?). Angélique est désespérée, à tel point que certains craignent même pour sa santé mentale.
Elle écrira plus tard : “au grand étonnement de tout le monde j’endossai l’uniforme. Tous les chefs, et entre autre le Gal Casabianca, me jugèrent comme une jeune femme qui perdoit la raison et par pitié on me laissa faire. J’avais un frère qui a 18 ans était instructeur je l’occupois six heures par jour à me montrer l’exercice; je passais le reste du tems sur mon livre de théorie; mon frère voyoit cette occupation avec regret mais il maimait, et pensoit d’ailleur sur mon compte comme tout le monde.”
En 1792, Angélique, la “Veuve Brulon”, est autorisée par le général Casabianca à servir au 42e régiment d’infanterie, celui de son époux. Elle y hérite même de son grade, caporal, et passe ensuite faisant fonction de caporal fourrier puis de sergent. Elle prendra alors “Sergent Liberté” comme nom de guerre. Jusqu’en 1795, elle est engagée en Corse, contre les Anglais et les rebelles corses.
Dans ses états de service, on note:
- “A l’affaire de Lumio (Corse), commandant un poste avancé de 22 hommes, elle fit une défense héroïque”
- “Quoique blessée le 24 mai 1794, au fort de Gesco, à minuit, elle partit pour Calvi à travers les assaillants et par son zèle et son courage, elle fit lever et chargea une soixantaine de femmes, faute d’hommes, de munitions et parvint à les amener jusqu’aux défenseurs du fort de Gesco, ce qui permit de repousser les Anglais et de conserver le fort”.
Voici ce qu’en écriront ses hommes : “Nous soussignés, caporal et soldats du détachement du 42e régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II, la citoyenne Marie Angélique Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, caporal fourrier, faisant fonction de sergent, nous commandait à l'affaire du fort de Gesco; qu'elle s'est battue avec nous avec le courage d'une héroïne; que les rebelles corses et les Anglais ayant chargé d'assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l'arme blanche; qu'elle a reçu un coup de sabre au bras droit et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche, que nous voyant manquer de munitions, à minuit, elle partit, quoique blessée, pour Calvi, à une demi-lieue, où, par le zèle et le courage d'une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes, qu'elle nous amena elle-même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l'ennemi et de conserver le fort, et qu'enfin nous n'avons qu'à nous louer de son commandement.”
-“A donné dans les occasions les plus périlleuses des preuves d’intrépidité et de dévouement pendant le siège de Calvi, notamment dans une sortie où elle fit le coup de feu avec les tirailleurs, et s’avançant toujours pour tirer de plus près, bien qu’une balle eût traversé son bonnet de police, ainsi qu’à la défense d’un bastion où elle manœuvrait une pièce de seize”(elle y est blessée d’un éclat de bombe à la jambe gauche).
-“A sauvé la vie au Capitaine [devenu Général] de Vedel menacé dans une rixe, en se précipitant dans une rixe en ville, en se précipitant dans la foule et en désarmant un Corse prêt à le frapper".
En 1795, inapte au combat après sa blessure à la jambe gauche, elle est à l’Armée d’Italie, et devient commis aux écritures dans l’administration de l’habillement, de l’équipement et du campement.
Le 17novembre 1797, alors qu’elle n’avait été que fonction de caporal, caporal-fourrier, et sergent, elle est véritablement intégrée dans l’Armée et admise aux Invalides. Elle est la première femme à y être admise au titre d’une invalidité. Et son grade de sergent fait d’elle la toute première femme gradée de l’Armée française. Le 2 octobre 1822, elle est nommée sous-lieutenant honoraire. Aux Invalides, elle prendra en main le magasin d’habillement jusqu’en 1836.
Par décret du 15 août 1851, sur proposition de Jérôme Bonaparte, gouverneur des Invalides, Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République et neveu de Napoléon Ier la nomme Chevalier de l’ordre National de la Légion d’Honneur. Elle a alors 79 ans. Cette nomination avait déjà été proposée, en 1804, pour elle par le maréchal Sérurier. Mais il n’y eut pas de réponse favorable. Elle reçoit enfin la médaille de Sainte-Hélène, crée en 1857, et meurt aux Invalides le 13 juillet1859.
« L'usage nous condamne à bien des folies ; la plus grande est celle de s'en faire l'esclave. » Napoléon Bonaparte ; Maximes et pensées
Le 19 mai 1802 (ou 29 floréal an X), Napoléon crée l'institution de la Légion d'Honneur, destinée à récompenser les exploits militaires et civils.
👉 En savoir plus sur les insignes de la Légion d’honneur :
📷 LÉGION D'HONNEUR surmontée d'une couronne...
Dernier message
La présentation de l’hôtel de Salm, qui abrite le musée de la Légion d’honneur.
Entièrement rénové grâce au mécénat à l'occasion du bicentenaire de de la création de la Légion d'honneur, le musée du premier ordre national a rouvert ses portes en 2006...
Le président veut redonner du sens à l’attribution de la décoration.
Pour la période 2018-2020, le nombre de décorés civils sera ainsi réduit de 50%, ceux des décorés militaires de 10% et de 25% respectivement, a-t-il précisé.
De nos jours, seuls 15% des...
Hubert Goffin, 41 ans, père de sept enfants, mineur du pays de Liège, sera décoré de la Légion d’honneur pour le courage avec lequel il aura lutté contre la mort et sauvé la vie de soixante-dix de ses compagnons, au cours de la catastrophe de la mine de...
Dernier message
L’Empereur lui-même est sensibilisé et décide d’accorder le titre de chevalier de la Légion d’honneur à Hubert Goffin, qui devient ainsi le premier ouvrier à recevoir cette distinction. La célébration a lieu à l’hôtel de ville de Liège, le 22 mars 1814...