"D’autres lui reprochent [à Koutousov] indirectement ses mensonges. C’est le cas du général Bennigsen : Le peuple nous croira-t-il lorsque nous prétendons avoir remporté la bataille du 26 août (7 septembre) à Borodino comme cela le lui a été annoncé ? Cette bataille n’aura-t-elle pas des conséquences plus lointaines, en plus de la reddition de Moscou, et ne serons-nous pas nous-mêmes obligés de reconnaître que nous l’avons perdue ? […] Soulagé de la « victoire » remportée par Koutouzov, Alexandre Ier lui offre son bâton de feld-maréchal accompagné de la coquette somme de 100 000 roubles* ; en outre, il fait remettre cinq roubles- papier à chaque soldat ayant combattu à Borodino."
*Soit 400 000 francs de l’époque.
Luigi MASCILLI MIGLIORINI « Napoléon » :
"…on finit, semble-t-il, encore une fois par donner raison à Tolstoï. C'est ainsi en effet que le grand écrivain russe dégage le sens profond de cette étrange victoire qui contenait déjà en soi l'annonce d'une tragédie future : « La victoire que les Russes remportèrent à Borodino fut non pas une de ces victoires qui se mesurent aux bouts de chiffons attachés à des bâtons qu'on appelle des drapeaux et au terrain conquis, mais une victoire morale, celle qui convainc l'adversaire de la supériorité de l'ennemi et de sa propre impuissance. [ ... ] Par la vitesse acquise, l'armée française pouvait encore rouler jusqu'à Moscou ; mais là, sans de nouveaux efforts de la part de l'armée russe, elle devait succomber, se vidant de son sang par la blessure mortelle reçue à Borodino, la bataille de Borodino eut pour conséquence directe la fuite immotivée de Napoléon de Moscou, la retraite par la vieille route de Smolensk, la perte d'une armée de cinq cent mille hommes et la fin de la France napoléonienne, sur laquelle, pour la première fois à Borodino, avait été portée la main d'un adversaire d'une force morale supérieure.»"
Thierry LENTZ « L’effondrement du système napoléonien » :
"La journée s'acheva sans avoir été décisive. Les Russes considérèrent – et considèrent parfois encore – Borodino comme une victoire (Koutouzov reçut le bâton de maréchal), ce qui est très exagéré, puisque, dans la nuit du 7 septembre, après avoir un moment hésité à reprendre le combat, Koutouzov décrocha et battit en retraite."
John KEEGAN « Histoire de la guerre » :
"À Borodino (1812), une victoire à la Pyrrhus qu'il [Napoléon] remporta près de Moscou, il perdit vingt-huit mille des cent vingt mille soldats présents."
Steven ENGLUND « Napoléon » :
"Curieusement - en partie, peut-être, parce qu'il souffrait de calculs rénaux - le « Dieu de la Guerre » ne montra aucun brio stratégique en cette occasion, se limitant à des assauts frontaux, qui ne permirent pas une véritable destruction de l'armée ennemie. En dépit de pertes épouvantables (44 000 hommes contre 28 000 aux Français), Koutouzov opéra une retraite en bon ordre. Mais dès ce moment, une plus écrasante défaite n'aurait peut-être pas été décisive. Alexandre rer semblait avoir compris ce qui était en jeu et comment faire face le plus efficacement à la situation. Celle-ci était devenue extrême et commandait une stratégie appropriée : céder du terrain pour gagner du temps."
Et très certainement parce que les Russes ont "gagné", Steven ENGLUND précise :
"Plus frappant encore - et presque choquant si l'on considère le pouvoir prêté aujourd'hui au nationalisme - est l'importance conservée par la légende napoléonienne chez les soldats russes actuels. Dans la Russie contemporaine, les admirateurs de l'Empereur sont si nombreux dans l'armée et chez les anciens combattants que lorsqu'on reconstitue les grandes batailles de 1812, à commencer par celle de Borodino, ils se bousculent pour jouer des rôles de Français et non de Russes - en dépit du fait que la Grande Armée a dévasté leur pays et tué leurs compatriotes par dizaines de milliers."