Mon étude ne se base pas sur l'erreur de topographie, celle-ci n'est qu'un élément de l'ensemble. Elle est fondée sur la constatation que toutes les études précédentes se basent sur des pièces pour le moins falsifiées, c'est-à-dire sur les récits dictés par Napoléon à Sainte-Hélène. Ce n'est pas insulter à la mémoire de l'Empereur que de dire que, en racontant la bataille, il devait essayer de la présenter à son avantage, ne fût-ce que pour des raisons politiques. Comme il était servi par une intelligence exceptionnelle, il y a fort bien réussi. Il était normal, dès lors, qu'il rejette la faute sur ses lieutenants, principalement sur Ney et Grouchy.J'avoue ne pas avoir lu l'étude de monsieur Coppens sur la campagne de Belgique (lacune qui sera bientot corrigée). Mais d'après le peu que j'en connait, elle se base sur une erreur d'orientation et de topographie de la part de l'état-major français. Ce qui en fait la nouveauté et l'intéret. Il ne me semble pas qu'elle soit une fois de plus un réquisitoire contre Emmanuel de Grouchy.
Le prestige de Napoléon était tel, que ses affirmations n'ont pratiquement pas été mises en doute, si ce n'est pour la forme. Les récits de Sainte-Hélène ayant servi d'étalon de véracité, tous les témoignages qui ne concordaient pas avec celui-là ont été rejetés comme fantaisistes. Ceci a été facilité par le fait que Napoléon et toute l'armée française ayant commis une erreur de lecture de carte (explicable par une erreur de gravure de la carte de Ferraris et par la disposition des lieux), tous ces témoignages pris isolément paraissent en effet fantaisistes, puisqu'ils disent tous que l'armée française a atteint Mont-Saint-Jean, alors qu'il est établi qu'elle n'y est jamais arrivée. Il suffisait donc de comprendre que quand ils parlaient de Mont-Saint-Jean, hameau qu'ils ne pouvaient même pas apercevoir, les Français parlaient du carrefour situé sur la crête et de l'espace caché qui s'étend derrière lui. A partir de là, tous les témoignages écartés retrouvent, grâce à cette clé de lecture, toute leur cohérence.
Dès lors, une autre bataille peut se reconstruire, beaucoup plus logique, et on s'aperçoit que ce que Napoléon a surtout voulu cacher, c'est qu'il a été complètement surpris par l'apparition des Prussiens de Bülow sur son flanc droit, vers 16 h 30.
Napoléon a écrit à Sainte-Hélène qu'il a aperçu les Prussiens avant 13 heures, et qu'il a dès ce moment pris toutes les dispositions pour parer à cette menace. Mais à la grande surprise des Prussiens, il n'y a pas la moindre précaution qui est prise par l'armée française lorsqu'ils débouchent du bois de Paris. Les témoignages écartés montrent que ni Domon, ni Subervie, ni Lobau n'ont fait de mouvement dans ce sens avant l'attaque prussienne.
D'autre part, il paraît hautement improbable que Napoléon ait pu apercevoir Chapelle Saint-Lambert depuis l'un des endroits où il se trouvait (aux dires des gens qui connaissent vraiment bien le terrain, comme les policiers, gendarmes et agriculteurs de l'endroit.)
Le seul élément qui pourrait confirmer l'affirmation de Napoléon, et qui irait donc à l'encontre de tous les autres témoignages et du déroulement logique de la bataille, c'est la lettre de Soult à Grouchy. Or, celle-ci est entachée de tellement de points de suspicion, qu'il faudrait d'abord prouver son authenticité. Elle ne figure pas au registre du major général. Ce que Grouchy et ses officiers en disent est en contradiction avec la copie "retrouvée" par Houssaye, et qui a probablement été fabriquée dans la suite, peut-être d'une manière concertée entre Soult et Grouchy, de façon à couvrir tout le monde, sans compromettre non plus les intérêts supérieurs.
Mais peut-on imaginer un seul instant que des personnages occupant des hautes fonctions puissent se livrer à des "petites manipulations" pour se couvrir d'une façon ou d'une autre, lorsqu'il s'agit d'événements d'une telle portée ? Chacun répondra selon ses convictions…
Mais je crois que le débat est là. Et il est ouvert.
Je suis prêt à mettre les diverses pièces successivement sur mon site afin de faire avancer le débat.
D'autre part, le livre reprenant l'ensemble des récits et commentaires de Napoléon et Gourgaud sur la campagne est en voie d'achèvement. Il fournira... du grain à moudre.
