A ce sujet, on peut citer les Mémoires de Constant :
« Dès que la bataille d'Austerlitz avait été gagnée, l'Empereur s'était empressé d'envoyer en France le courrier Moustache, pour en annoncer la nouvelle à l'impératrice. Sa Majesté était au château de Saint-Cloud. Il était neuf heures du soir, lorsqu'on entendit tout à coup pousser de grands cris de joie, et le bruit d'un cheval qui arrivait au galop. Le son des grelots et les coups répétés du fouet annonçaient un courrier. L'impératrice, qui attendait avec une vive impatience des nouvelles de l'armée, s'élance vers la fenêtre et l'ouvre précipitamment. Les mots de victoire et d'Austerlitz frappent son oreille. Impatiente de savoir les détails, elle descend sur le perron, suivie de ses dames. Moustache lui apprend de vive voix la grande nouvelle, et remet à Sa Majesté la lettre de l'empereur. Joséphine, après l'avoir lue, tira un superbe diamant qu'elle avait au doigt, et le donna au courrier. Le pauvre Moustache avait fait au galop plus de cinquante lieues dans la journée, et il était tellement harassé qu'on fut obligé de l'enlever de dessus son cheval. Il fallut quatre personnes pour procéder à cette opération, et le transporter dans un lit. Son dernier cheval, qu'il avait sans doute encore moins ménagé que les autres, tomba mort dans la cour du château. »
En bon repompeur, Emile Marco de Saint-Hilaire (encore lui...

), s'est bien gardé de ne pas reprendre la prose de Constant, mais en y ajoutant sa sauce (Histoire populaire de Napoléon et de la Grande Armée) :
« Le soir même de la bataille d'Austerlitz, Napoléon avait expédié à l'Impératrice le courrier de son cabinet, Moustache, pour lui annoncer la nouvelle. Joséphine était alors aux Tuileries. Tout à coup, à onze heures du soir, on entend au loin un bruit de grelots mêlé aux claquements d'un fouet de poste.
-C'est un courrier que m'envoie Bonaparte ! s'écrie Joséphine en s'élançant vers une fenêtre qu'elle ouvre avec précipitation.
En même temps, les mots de victoire, d'Empereur, d'Austerlitz, répétés par une foule de serviteurs du palais, retentissent à son oreille. Impatiente, elle s'élance et arrive presque seule sur le perron du grand vestibule.
Là, Moustache couvert de givre, le visage crispé par le froid, lui remet un billet de Napoléon et lui apprend la grande nouvelle. Ivre de joie, Joséphine la lui fait répéter.
-Oui, Madame, reprend Moustache avec emphase, c'est fini. S. M. l'Empereur et Roi a vaincu et enfoncé tous les empereurs du monde, toutes les forteresses, tous les drapeaux possibles, leurs canons avec armes et bagages et n'importe quoi ! .
L'Impératrice souriait ; elle tira de son doigt un magnifique brillant qu'elle donna à Moustache, en lui disant d'une voix pleine d'émotion :
-Tenez, voilà pour vous. La France va être bien heureuse . Allez vous reposer, vous devez en avoir grand besoin.
-Impossible ! Madame ; S. M. l'Empereur et Roi m'a ordonné de venir le rejoindre à Vienne, en me disant : « Moustache, cours sans t'arrêter jusqu'aux Tuileries et reviens ici de même, parce que j'ai quelque chose à te faire porter à Constantinople après : va ! te dis-je, tu embrasseras ta femme une autre fois. »
Joséphine sourit encore, et faisant au scrupuleux messager un signe de tête bienveillant :
-Adieu donc, reprit-elle, car il faut avant tout que les ordres de l'Empereur soient exécutés.
Le brave Moustache, ancien brigadier des guides d'Italie et d'Égypte, avait fait trois cent soixante lieues d'une seule traite depuis Austerlitz, il n'avait pas quitté les étriers. Lorsqu'il changeait de monture, quatre hommes l'enlevaient avec sa selle et le portaient ainsi, comme Sancho Pança à son entrée dans l'île de Barataria, sur un autre cheval qui repartait au galop. Il n'y avait qu'un instant qu'il avait pris congé de l'Impératrice, lorsqu'on l'entendit se plaindre et proférer des imprécations.
-S'il faut que je me repose un quart d'heure à Paris, s'écria-t-il, je suis un homme déshonoré, je me brûle la cervelle !
Et, de désespoir, il s'arrachait les cheveux. Joséphine, inquiète du bruit qu'elle entend, envoie savoir ce qui se passe. On revint bientôt la tranquilliser. C'était Moustache : il venait d'enfourcher le cheval confié à la garde du factionnaire du pavillon de l'Horloge, et comme il avait sans doute moins ménagé celui-là que les autres, l'animal était tombé raide mort dès les premiers pas, dans la cour des Tuileries. »
Que ce soit avec Constant, et encore plus avec son copieur à l'imagination fertile, il faut se montrer prudent avec ce genre de récit.
On peut se souvenir à ce sujet que la lettre du 3 décembre 1805 où Napoléon annonce à son épouse sa victoire de la veille commence par ces mots :
« Je t’ai expédié Lebrun du champ de bataille. «