Merci Cher Peyrusse pour ces extraits si émouvants.
Natalie PETITEAU « Écrire la mémoire » :
"À propos de l'Espagne également, le colonel Noël reconnaît l'iniquité de la guerre que les Français y mènent, pourtant, puisque les Espagnols mutilent et massacrent les blessés et les prisonniers français, cela excuse toutes les représailles engagées par les soldats de Napoléon. […] Si la guerre d'Espagne a laissé de si rudes souvenirs, c'est que les troupes n'étaient pas seules à enfreindre les lois de la guerre : l'absence de respect de la part des civils à l'égard des blessés est écrite comme inacceptable."
André CASTELOT « La campagne de Russie » :
"«Déjà tout manque pour panser les blessés, constate Ségur ; il n'y a plus de linge, on est forcé d'y suppléer par le papier trouvé dans les archives. Ce sont des parchemins qui servent d'attelles... et ce n'est qu'avec de l'étoupe et du coton de bouleau qu'on peut remplacer la charpie. » De plus, les malheureux sont assaillis par des nuages d'insectes qui, jour et nuit, tourmentent hommes et chevaux. En outre, la poussière est telle que certains combattants en ont la poitrine affectée tandis que d'autres deviennent même aveugles.»"
Marie-Pierre REY « L’Effroyable tragédie » :
"« Notre division était anéantie ; ne pouvant avancer par la route, je passais par les champs où s’entassaient derrière moi des hommes et des chevaux blessés et mutilés, dans un état des plus horribles. Décrire ces horreurs est au-dessus de mes forces. » Sous la plume du lieutenant Andreev, qui en 1812 combattait, tout jeune homme, dans les rangs de l’armée russe, l’atroce bataille de la Moskova se dérobe."
Stéphane CALVET « Leipzig » :
"Dans ses Mémoires, rédigés en grande partie pour justifier son rôle au printemps 1814, le maréchal Marmont, duc de Raguse, souligne, quinze ans après les faits, cette carence dont il rend l'empereur responsable. Le dialogue aurait eu lieu le 13 octobre au château de Düben :
La conversation se porta naturellement sur les événements de la campagne. J'en fis la critique avec franchise. Je lui fis remarquer que nos pertes énormes, indépendamment de celles éprouvées sur le champ de bataille, venaient essentiellement du manque de soins, de vivres et de secours de toute espèce qui avaient été refusés aux soldats. J'établis enfin que, si Dresde avait contenu les approvisionnements nécessaires pour nourrir l'armée, si les hôpitaux avaient été pourvus de tout ce dont ils avaient besoin pour que les malades et les blessés reçussent des secours convenables, son armée serait plus forte de cinquante mille hommes, et certes cette évaluation n'était pas au-dessus de la vérité. "Alors, ajoutai-je, indépendamment de l'intérêt qu'il y a à sauver la vie à cinquante mille hommes, vous auriez été dispensé, pour conserver la même force à votre armée, d'ordonner une levée de cinquante mille conscrits. Au lieu d'avoir en espérance cinquante mille hommes, vous auriez en réalité cinquante mille vieux soldats aguerris, et sur le terrain même des opérations""
Walter BRUYÈRE-OSTELLS « Leipzig »
"« Comme souvent à l'époque, les combattants blessés ou inanimés se mêlent aux cadavres sans que personne ne prenne le soin de vérifier. Son témoignage (Bubna) montre, en revanche, la détermination des coalisés à faire plier les Français : on marche sur les corps sans se poser trop de questions. Budna insiste finalement sur les pertes lourdes dans les deux camps : « De l'autre côté du pont, la situation n'était pas différente et révélait un horrible spectacle. Beaucoup, beaucoup de nos camarades avaient perdu du sang. Le bois était plein de nos morts et, sur la rive de la Pleisse il y avait nos hommes entassés qui étaient morts dans un combat d' artillerie.»"
Henry HOUSSAYE « 1814 » :
"Fleury : « Comme on ferait un volume entier avec les traits de férocité des alliés, on en ferait un autre avec les actes de représailles des paysans, souvent non moins féroces. Dans la nuit du 7 au 8 mars les habitants de Paissy, d'Ailles et d'Ouiches, hommes et femmes, achevèrent les blessés russes sur le plateau de Craonne. Il faut dire. non pour excuser ce hideux massacre, mais pour expliquer la colère vengeresse qui l'inspira, que l'avant-veille, à l'approche des Cosaques, ces mêmes paysans avaient abandonné leurs villages et s'étaient réfugiés dans les carrières de la montagne. Les Cosaques les enfumèrent comme renards en terrier. Grâce a un puits d'aération, les adultes purent résister à l'asphyxie, mais plusieurs enfants périrent étourdis.»"
Bernard CORNWELL « Waterloo, chroniques d’une bataille légendaire » :
"Après la bataille, les hommes paraissaient terriblement fatigués. Par cette chaleur accablante, le mélange de la fumée causée par la poudre à canon, de la sueur et de la boue avait formé une épaisse couche de crasse sur leurs visages, les faisant ressembler à des mulâtres… et nombre d’entre eux, légèrement blessés, ayant refusé de quitter les rangs, portaient des bandages qu’ils s’étaient posés eux-mêmes. Et chez un certain nombre d’entre eux le sang filtrait à travers. À cause des heures passées à combattre dans les villages et à souvent ramper à travers les haies, les tuniques et pantalons étaient déchirés et ces hommes se retrouvaient en haillons, leur peau par endroits apparente."
Alessandro BARBERO « Waterloo » :
"« Nos carrés offraient un spectacle choquant, se souvient l’enseigne Gronow, du 1er Foot Guards. À l’intérieur, nous étions près de suffoquer à cause de la fumée et de l’odeur des cartouches brûlées. Il était impossible de bouger d’un pas sans piétiner un compagnon blessé ou un cadavre. Les plaintes des blessés et des moribonds étaient épouvantables. »"
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BANGOFSKI « Mes campagnes 1797 -1815 » :
"Les Prussiens qui nous avaient amenés faisaient tellement leurs embarras avec une poignée de blessés qu'ils avaient saisis dans un hôpital, qu'on les aurait crus être les héros du siècle. Ô canailles que vous êtes! Les Français sont plus braves: c'est sur les champs de bataille qu'ils font leurs prisonniers et non dans des lits où gisent de malheureux blessés !"
Lettre de Napoléon à Joséphine - Eylau, le 14 février :
« Mon amie, je suis toujours à Eylau. Ce pays est couvert de morts et de blessés. Ce n'est pas la plus belle partie de la guerre ; l'on souffre, et l'âme est oppressée de voir tant de victimes… »
Dupuy « Mémoires » (Eylau) :
« je traversai (ainsi) l'épouvantable champ de bataille d'Eylau, où je vis des bataillons carrés de Français et de Russes, morts sur la place que vivants ils avaient occupée ! »
Baron de Comeau « Le tacticien de Napoléon » :
"Ce spectacle était nouveau pour moi ; cela ne ressemblait en rien aux batailles que j’avais vues. On avait livré jusque-là des batailles à grand front, ce que l’on appelle des batailles rangées. Ceci formait dans ma tête et pour lui donner un nom, l’ordre profond par excellence ; et dans le fait ce fut un massacre, une boucherie. Les morts, les blessés, les affûts brisés, les chevaux, tout se trouvait l’un sur l’autre ; pas le moindre soin pour les blessés ; les armes jonchaient la terre ; partout des traces de sang !"
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Bruno COLSON « Leipzig » :
"Là où on attend des réflexions sur l'horreur de la guerre, on trouve un spectacle féerique, une sorte de bouquet final à un feu d'artifice. Martin se dit « à demi enivré». La fatigue de la journée, la tension permanente, les poussées d'adrénaline et l'excitation du combat l'ont plongé dans un état second, où subsiste une obsession : retrouver ses camarades. Le regard ne se pose pas par terre, là où gisent les morts et les blessés. La description est celle d'une sorte de rencontre avec un phénomène « sublime », qui submerge la perception et détruit les idées préconçues"."
Natalie PETITEAU « Les Européens dans les guerres napoléonienne » :
"Après un état initial d'ahurissement, les novices commencent à percevoir les effets du combat sur les hommes qui les entourent. Le cortège des blessés est l'un de ces instants décisifs où les combattants prennent conscience de leur vulnérabilité : « Ce spectacle est pénible pour un régiment qui compte beaucoup de conscrits, et le dispose mal à entrer en ligne à son tour »"
Luigi MASCILLI MIGLIORINI « Napoléon » :
"L'Europe, lointaine et occupée par d'autres guerres, n'en saura rien pendant des mois, le temps nécessaire pour que l'épopée napoléonienne se recentre, pour ainsi dire, sur l'image, non pas d'un commandant indifférent aux pertes subies par ses soldats ( comme le décrit Kléber à Saint-Jean d'Acre), mais d'un général qui conduit avec sollicitude la retraite de ses troupes épuisées, n'hésitant pas, par exemple, à renoncer à son cheval - marchant alors à pied comme le reste de l'armée - pour alléger les souffrances des blessés et des malades"."
Charles ZORGBIBE « Talleyrand » :
"Le problème est que ces critiques a posteriori de l'action du pouvoir, ces nouveaux censeurs, [1814] sont emportés par leur élan: le réquisitoire vire au grotesque ... Ainsi du décret du 3 avril. […] Puis la spirale ascendante des reproches prend forme, toujours plus accablante : le Sénat attribue à Napoléon l'abandon des blessés sans pansements, sans secours, sans subsistances voire la ruine des villes, la dépopulation des campagnes, la famine, les maladies contagieuses ... On se rapproche des exposés verbeux et sonores des plaideurs fantoches de Racine, invoquant le soleil, la lune et les étoiles. Il est vrai que c'est une loi du genre"
Steven ENGLUND « Napoléon » :
"« Il serait présomptueux de dire de façon catégorique pourquoi les hommes l'aimaient, malgré son peu d'hésitation à sacrifier leurs vies, malgré ses défaites occasionnelles - jamais complètement dissimulées dans les ordres du jour -, malgré la façon dont il faisait la sourde oreille lorsque ses médecins réclamaient de meilleurs soins et de plus grandes attentions pour les blessés, les malades et les mourants - dont des milliers, en Russie, furent abandonnés à leur sort sans même une pilule empoisonnée pour abréger leurs souffrances. »"
Thierry LENTZ « La France et l’Europe de Napoléon » :
"Dans les dispositifs mis en œuvre pour lutter contre l'indigence, les anciens militaires blessés faisaient figure de nantis. Ils pouvaient bénéficier du système de l'institution des Invalides54. Créée par Louis XIV dans des bâtiments construits à partir de 1670 par Hardouin-Mansart pour accueillir les soldats estropiés et leur offrir vivre, couvert et aide spirituelle, l'hôtel des Invalides fut réorganisé par Napoléon en deux étapes…"
John KEEGAN « Anatomie de la bataille » :
"« …des hommes qui avancent ainsi en ordre serré dans un espace réduit doivent enjamber leurs camarades tombés pour poursuivre leur progression, sans parler des cadavres ennemis. On peut imaginer qu’il y a de quoi interrompre, ne serait-ce qu’un peu, le pas « imperturbable » de ces vaillants soldats. Et quelle contenance ont les blessés, ceux qui ne peuvent pas suivre le mouvement, pendant que les combats font rage autour d’eux ? Apparemment, dans le récit de Napier, morts et blessés se dissolvent dès qu’ils sont touchés… »"
Jean TULARD « Le monde selon Napoléon » Lettre à Daru :
"« Il est un objet bien important et qui n’a jamais été assez prévu dans nos batailles, c’est d’avoir, indépendamment des ambulances, quelques brigades de voitures du pays avec de la paille , confiées à plusieurs agents pour, aussitôt après l’action, parcourir le champ de bataille et y ramasser les blessés. Il serait utile d’avoir dix de ces brigades à dix voitures chacune, ce qui ferait cent voitures. Cela doit être indépendant des ambulances et de tout ce qui est rattaché. C’est un moyen de plus et qui est bien nécessaire, mais, pour que cela puisse être réellement utile, il faut que ces voitures se trouvent sur le champ de bataille au moment où le combat finit. Mais, je vous le répète, il faut que cela soit indépendamment des ambulances ordinaires et de tout autre moyen d’évacuer les blessés »"