Natalie PETITEAU nous fait l'honneur d'accepter d'être l'auteure du mois d'octobre.
Elle répondra à nos questions d'ici un mois.
Bonne lecture !

https://rh19.revues.org/3881
Modérateur : Général Colbert
** Notez que je me suis contentée, pour ce que vous citez, de dire « il existe »…. Je ne parle ni de proportion ni de coloration, l’important est que l’on ait les preuves que des Français se sont exprimés en toute spontanéité pour ce qui est des textes que je cite. Quant à la police, oui bien sûr, elle ne surveille que ce qui inquiète, mais ne saisit pas tous les propos hostiles. L’historien fait avec les échos qu’il a et les traite prudemment… d’où ma fromulation « il existe »…cyril a écrit : ↑06 oct. 2017, 21:571) En premier lieu des questions sur le travail de recherche:
Vous écrivez en introduction "il existe donc bien alors des français qui se prononcent sur le régime" Comment savoir si telle ou telle opinion exprimée dans une source est courante dans la population ou particulière à une poignée d’individus plus bruyants et plus visibles que la majorité dite « silencieuse » ? Est-ce que seules les plus exacerbées ont traversé les années ? ou peut -être même juste attiré d'avantage votre intérêt ? Vous citez souvent les rapports de police, eux aussi n'avaient-ils pas vocation ou intérêt à ne rapporter que ce qui est contre le régime?
Comment deviner, définir "l'état d'esprit" de cette masse qui par définition silencieuse n'a pas du laisser beaucoup de trace ?
Je me pose la question en pensant à un historien qui se penchera sur l'année 2017 où nous voyons que les plus bruyants et virulents ne sont pas forcément représentatif de la nation. Comment avez vous fait ?
Mon but était là justement de dire que même si Napoléon n’est pas souverain de droit divin, les réflexes politiques demeurent les mêmes…2) Les Français de l'Empire :
P142:"... le peuple rend le souverain ou son gouvernement responsable des situation de disette..." ne voyez vous pas une réalité historique depuis la nuit des temps jusqu’à même ce matin? (certes plus la disette mais le manque de travail, etc..). Le peuple semble rechercher la paix et la prospérité, s’enthousiasmer pour des victoires...nos ancêtres seraient donc comme nous aujourd'hui ?
"La démocratie est le plus mauvais des régimes à l’exception de tous les autres", dit le proverbe. Votre question est étrange.3)Vous semblez partir du postulat que rien n'ai mieux que la démocratie? Au moment où le général Bonaparte prend le pouvoir ne pensez vous pas que la démocratie n'était peut être pas le régime le plus adapté à la situation ? je parle de la démocratie telle qu'elle pouvait être mise en oeuvre à cette époque.
Le régime le plus adapté n'est-il pas celui qui rend "heureux", la majorité de sa population ?
De quels mémoires parlez-vous ? S’il s’agit des mémorialistes sur lesquels j’ai écrit, bien sûr qu’ils ne parlent guère de cette situation, elle est dans la normalité du temps…
On a créé d’une part des dépôt de mendicité, d’autre part des halles pour stocker des réserves de grains.- Comment étaient traitées, à cette époque, la misère d'une part, et les famines d'autre part ?
Une surveillance policière plus prononcée.- Dans la France du premier Empire, il restait des bastions royalistes (la Vendée bien sûr mais aussi le Midi). Comment étaient-il maîtrisés ? (je n'évoque pas les guerres ou la réduction militaire des poches de rébellion mais la vie au quotidien).
Non, c’est plus compliqué, ne vous laissez pas abuser par Balzac. Il faut avoir une approche nuancée, avec le recul, certains ont regretté l’Empire, qui paraissait un temps de prospérité et de gloire par rapport à la Restauration. Sur la légende telle qu’elle a été construite, je vous renvoie à mon livre Napoléon, de la mythologie à l’histoire.- Dans la population rurale, en dépit des levées de cosncrits, l'Empereur devient très vite une sorte de demi-dieu. Cette dévotion me semble durer au-delà de l'Empire. Etes-vous d'accord ?
J’ai justement voulu sortir du seul rapport à Napoléon, m’interroger sur la perception de ce mode de gouvernement dans lequel préfets, maires etc jouent un rôle pour ce qui est de la perception par les Français !William Turner a écrit : ↑24 oct. 2017, 22:52Bonjour madame Petiteau,
Ma première question porte sur le titre de votre livre. Pourquoi l'avoir intitulé Les Français et l'Empire (1799-1815) plutôt que Les Français et Napoléon ? Le choix de ce titre est en effet un peu surprenant, notamment à cause de l'ajout des dates qui donne l'impression d'une erreur de chronologie. Mais il est surprenant aussi parce que, d'un point de vue commercial, il semble probable que le titre Les Français et Napoléon vous aurait permis d'en vendre plus d'exemplaires. La lecture de votre livre n'aide d'ailleurs pas à comprendre ce choix, dans la mesure où il met en évidence que l'Empire n'a pas de réalité en dehors de la personne de Napoléon.
Oui, les sources ramènent beaucoup à Napoléon, mais je crois avoir répondu plus haut.Ma seconde question découle en partie de la première. Dans votre introduction, vous rappelez que "l'historiographie de l'Empire a été largement monopolisée par l'histoire des guerres" (et j'ajouterai pour ma part par une histoire strictement politique centrée sur un personnage principal et ceux qui gravitent autour de lui). Même si votre livre renouvelle en partie cette approche, il ne sort cependant pas tout à fait de ce schéma. Votre étude porte en effet à peu près exclusivement sur la vision politique des Français de l'Empire et leur attitude face au gouvernement ou plutôt face à Napoléon, le gouvernement ne semblant pas avoir de réalité pour les Français, même quand Napoléon est occupé à faire la guerre au loin. S'agit-il d'un choix délibéré ou sont-ce les sources que vous avez utilisées qui vous ont amenée dans cette direction ?
J’aborde les champs politique, social et culturel en divers endroits du livre.Dans votre introduction, vous évoquez également "les innovations multiples d'un XIXe siècle qui n'en finit pas de mettre en pratique les héritages de la Révolution, plus ou moins rapidement selon qu'il s'agit du champ politique, social ou culturel", mais vous n'y revenez pas par la suite (du moins dans les chapitres que j'ai lus jusqu'à présent, mais les titres des chapitres que je n'ai pas encore lus ne laissent pas penser que vous allez y revenir, en tout cas pas pour de longs développements). Cela a pour résultat de faire penser que la spécificité de l'Empire se résume à la concentration des pouvoirs dans les mains du seul Napoléon et à ses guerres. Est-ce aussi votre conclusion ?
Mon chapitre 4 est entièrement consacré aux refus anonymes.Le livre d'Arlette Farge, Dire et mal dire, que vous mentionnez à diverses reprises, semble vous avoir servi en partie de modèle. Mais à la différence d'Arlette Farge, qui ne peut se limiter aux "mal dire" politiques, parce que beaucoup trop rare dans les sources d'Ancien Régime, vos sources semblent beaucoup plus abondantes dans ce domaine. Est-ce pour cela que vous n'avez pas intégré dans votre étude des mauvaises paroles qui n'avaient pas de caractère directement politiques ou parce que cette mauvaise parole avait cessé d'intéresser la police et avait donc été remplacée par la seule mauvaise parole à caractère politique dans vos sources ?
SI, certaines pratiques existaient, de plus un souverain de la facture de Napoléon est préoccupé de recueillir l’adhésion des populations.Dans la lecture du chapitre sur le gouvernement des esprits, une chose m'a étonnée : c'est cette volonté des autorités d'essayer de susciter voire de forcer une adhésion de la population en organisant des célébrations, en contrôlant étroitement la presse ou en tenant de longs discours qui font l'apologie du régime. C'est une démarche, qui, me semble-t-il, n'avait pas vraiment d'équivalent sous l'Ancien Régime. Une telle démarche pourrait se comprendre dans une société où le gouvernement dépend de résultats électoraux et où l'adhésion de la population est indispensable à la pérennité du pouvoir. Dans l'Empire, ce n'était pas vraiment le cas. Comment expliquer une telle démarche qui ne semble pas avoir d'utilité véritable ?
Un document parmi d’autres, et dans une note du chapitre 4 je crois, je cite des données chiffrées.Dans votre introduction toujours, vous avez écarté le recours à l'histoire quantitative (en citant notamment de manière un peu étonnante Michel Vovelle, alors qu'il est l'un des auteurs qui a poussé le plus loin l'usage de l'histoire quantitative pour l'étude des mentalités avec son livre Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle en analysant de manière statistique les testaments des Provençaux). Il est évidemment impossible avec les sources dont on dispose d'établir des statistiques d'adhésion ou de non-adhésion à l'Empire. Parfois cependant quelques données chiffrées permettraient de donner un certain éclairage sur votre corpus documentaire. Ainsi quand vous citez le discours tenu à Roquebrussane en 1810, j'aurais souhaité savoir s'il s'agissait d'un document unique et exceptionnel ou s'il s'agissait d'un document parmi beaucoup d'autres.
Vous avez raison, je me suis ici limitée à la France d’aujourd’hui.Un autre point : vous parlez des Français, mais de qui s'agit-il ? Englobez-vous dans ces Français une partie de mes ancêtres (je suis Belge) qui, certes, à l'époque vivaient dans des territoires rattachés à la France, mais qui ne se considéraient peut-être pas comme vraiment Français et qui ne le sont en tout cas pas restés ?
Je consacre un chapitre entier aux adhésions des anonymes…Dans votre livre, vous parlez (assez peu) des Français qui adhèrent au régime, beaucoup plus de ceux qui expriment une opinion hostile, mais ceux qui ne se situent pas (à mon avis, l'immense majorité) sont les grands absents. Il est vrai qu'il est difficile de parler longuement des gens qui ne s'expriment pas, mais cette absence n'aboutit-elle pas à donner une vision un peu déformée de la société française où le politique occuperait une place déterminante alors qu'elle était probablement très loin des préoccupations des gens ordinaires ? Votre livre n'apporte-t-il pas dans une certaine mesure sa pierre à l'idée (en grande partie fausse à mon avis) que Napoléon ne laisse personne indifférent, qu'on l'aime ou qu'on le déteste ?