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Le bicentenaire de la mort de l'empereur, "Napoléon et Dieu", analyse et commentaires
Par André DÉCUP - Publié le 14 Mar 21
Le bicentenaire de la mort de l'empereur Napoléon ne passe pas inaperçu, voici une approche peu connue de ce personnage historique.
Peinture « Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard » (les Alpes) par Jacques-Louis David datée de 1801 et visible au Musée national du château de Malmaison, à Rueil-Malmaison.
Selon ses proches, l’empereur croyait en Dieu. S’il fut assez secret sur son intimité pendant ses années de règne, une quête intérieure ne fait aucun doute en fin de vie.
« Ce siècle avait deux ans. Rome remplaçait Sparte, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » : nombre d’écoliers ont récité l’alexandrin de Victor Hugo né en 1802. Le poète mesure sa place dans l’Histoire à l’aune de celle qu’y occupe ce petit Corse qui n’aimait guère la France mais qui finit par la gouverner. On naît grand homme autant qu’on le devient. Le génie de Bonaparte pour la politique et les guerres conserve une part de mystère.
Un autre mystère est celui de sa relation avec Dieu.
Napoléon est-il chrétien ?
La question peut choquer concernant un personnage qui fait si peu de cas de la vie humaine. Certes, il est à l’origine de l’armature juridique et administrative de la France qui existe encore aujourd’hui. Mais dans le même temps, il entraîne à la mort 5 000 000 d’hommes dans les guerres pour conquérir l’Europe. Comme en Russie où les soldats meurent de froid et pour un bénéfice somme toute marginal.
Pour recréer un grand empire colonial français, il rétablit en 1802 l’esclavage aboli en 1794. Une honte. De plus, Napoléon est un fossoyeur de la Ire République, bafouant les principes républicains. Et ses relations avec les papes Pie VI et Pie VII dépassent l’entendement et la raison.
Il n’a jamais nié l’existence de Dieu
Est-il homme de foi ? Napoléon le fut sans doute, ne niant jamais l’existence de Dieu, car « si la raison ne suffit pas pour la comprendre, l’instinct de l’âme l’adopte » assure-t-il. Restera-t-il une grande partie de sa vie déiste avec une foi superficielle, survivance de ses habitudes d’enfance ?
« Comme homme Napoléon croyait, comme roi il jugeait la religion un puissant moyen pour gouverner » résume son ancien lieutenant de la chasse impériale, Robert de Beauterne.
Éduqué dans la foi catholique
Ajaccio, décembre 1775. « In nomine Patris et filii et spiritus sancti ». Pour la troisième fois, au cours de la prière du soir, Lætitia Bonaparte tient dans sa main droite la menotte malhabile du jeune Napoléon qui n’est pas très doué pour le signe de croix.
À genoux, près de l’âtre, avec ses frères, sous la tutelle à éclipse d’un père inlassable voyageur et la persévérance d’une jeune mère toujours disponible, chaque soir amène sa liste de prières latines. Qui se résument pour Napoléon par un mot magique « Amen ! » manifestant enfin la fin de la cérémonie. Il faudra bien des répétitions maternelles pour que la petite main aille du front au cœur puis de l’épaule gauche à l’épaule droite.
Sa mère, à la foi intense, élève ses huit enfants dans la ferveur catholique.
Napoléon naît le 15 août 1769, pendant la messe de la fête de l’Assomption de la Vierge. Sa mère, à la foi intense, élève ses huit enfants dans la ferveur catholique. Son premier maître, l’abbé Recco n’a aucun mal à enflammer l’imagination de cet enfant vif mais a moins de succès pour ancrer les principes de sa foi en Dieu.
Déjà à cinq ans, il faut le changer de pensionnat. Placé dans une école de filles où il était choyé par les religieuses, le petit garçon « à la maigre face burinée, au menton pointu terriblement volontaire » devient si redoutable qu’il faut remettre sa destinée scolaire entre les mains des Jésuites de la ville. « Le jour de ma première communion a été le plus beau jour de ma vie » dira-t-il beaucoup plus tard. Vraiment ?
Des doutes pendant la tourmente révolutionnaire
Entré à 11 ans à la prestigieuse École de Brienne, l’adolescent croit à son destin et à la Providence qu’il va accompagner par une solide formation militaire.
En 1787, le jeune et pauvre lieutenant « monte à Paris » et n’abandonnera pas ses pratiques religieuses : il fait sa prière matin et soir et assiste à la messe. Car « l’existence de Dieu, assure-t-il, est attestée par tout ce qui nous entoure, tout ce qui frappe notre imagination ».
Arrive la Révolution, avec des idées nouvelles qui agitent les esprits. Bonaparte devient républicain à sa manière : « Le plus grand républicain est Jésus Christ affirme-t-il. L’aristocratie est dans l’Ancien Testament, la démocratie, dans le Nouveau ». Mais dans la tourmente, ses pensées religieuses sont heurtées et mises à l’écart. Racine, Montesquieu, Rousseau, Voltaire sont à présent ses modèles.
Difficile à cerner et à sonder l’âme de cet homme résolu, à la mémoire exceptionnelle, à la culture remarquable. Le jeune général de brigade nommé à 24 ans, devient secret sur son intimité. Après dix ans de conflits consécutifs à la Révolution, le Premier Consul ramène la paix religieuse en France par le Concordat de 1801. Pour lui, c’est une priorité : « Il n’y a pas de morale sans religion. Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole ».
Le 2 décembre 1804, il se fait sacrer Empereur à Notre Dame de Paris en présence du pape Pie VII. En 1810, il choisit le mariage religieux avec Marie-Louise d’Autriche, la nouvelle impératrice. Un an après, un Te Deum est célébré pour la naissance du Roi de Rome : « Mon âme s’élève vers le Créateur, confie-t-il, pour remercier le Ciel de m’avoir donné un fils » lequel sera baptisé en juin 1811 à la cathédrale de Paris.
Fervent mystique à Sainte-Hélène
Quatre longues années vont finir par consacrer la défaite de la France. Après la débâcle de Waterloo, l’Empereur battu rejoint l’îlot désolé de Sainte-Hélène où il va vivre six émouvantes années dans la douleur.
C’est là, sur le plateau aride de Longwood, que Dieu est placé au centre de ses conversations. Étonnantes, les discussions sur la religion qu’aurait eues Napoléon avec ses proches ! Notamment celles avec son médecin Antommarchi ou l’abbé Vignali qui l’accompagne.
Au soir de son existence, il semble que Napoléon vit un véritable retour à la foi, dans les tourments et la solitude de la captivité. Confronté à la maladie et à la perspective de la mort, on découvre un homme profondément croyant, un vrai chrétien. Un crucifix posé sur sa table de chevet, il prie à genoux, il va à la messe mais aurait refusé de se confesser.
Pour certains biographes, il faut faire preuve de prudence dans ces témoignages. Mais quel intérêt Napoléon aurait-il eu, en fin de vie, de simuler une foi qu’il n’avait pas ? « Je regarde la nature, je l’admire et je me cris : Il y a un Dieu…Il existe un être infini auprès duquel moi Napoléon, avec tout mon génie, je suis un vrai rien, un pur néant ».
Le 21 avril 1821 (il mourra le 5 mai), il émet le souhait d’être enterré dans une église et reçoit le sacrement des malades. Dès les premières lignes de son testament, il note : « Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine ».
Le bicentenaire de la mort de l'empereur, "Napoléon et Dieu", analyse et commentaires
Par André DÉCUP - Publié le 14 Mar 21
Le bicentenaire de la mort de l'empereur Napoléon ne passe pas inaperçu, voici une approche peu connue de ce personnage historique.
Peinture « Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard » (les Alpes) par Jacques-Louis David datée de 1801 et visible au Musée national du château de Malmaison, à Rueil-Malmaison.
Selon ses proches, l’empereur croyait en Dieu. S’il fut assez secret sur son intimité pendant ses années de règne, une quête intérieure ne fait aucun doute en fin de vie.
« Ce siècle avait deux ans. Rome remplaçait Sparte, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » : nombre d’écoliers ont récité l’alexandrin de Victor Hugo né en 1802. Le poète mesure sa place dans l’Histoire à l’aune de celle qu’y occupe ce petit Corse qui n’aimait guère la France mais qui finit par la gouverner. On naît grand homme autant qu’on le devient. Le génie de Bonaparte pour la politique et les guerres conserve une part de mystère.
Un autre mystère est celui de sa relation avec Dieu.
Napoléon est-il chrétien ?
La question peut choquer concernant un personnage qui fait si peu de cas de la vie humaine. Certes, il est à l’origine de l’armature juridique et administrative de la France qui existe encore aujourd’hui. Mais dans le même temps, il entraîne à la mort 5 000 000 d’hommes dans les guerres pour conquérir l’Europe. Comme en Russie où les soldats meurent de froid et pour un bénéfice somme toute marginal.
Pour recréer un grand empire colonial français, il rétablit en 1802 l’esclavage aboli en 1794. Une honte. De plus, Napoléon est un fossoyeur de la Ire République, bafouant les principes républicains. Et ses relations avec les papes Pie VI et Pie VII dépassent l’entendement et la raison.
Il n’a jamais nié l’existence de Dieu
Est-il homme de foi ? Napoléon le fut sans doute, ne niant jamais l’existence de Dieu, car « si la raison ne suffit pas pour la comprendre, l’instinct de l’âme l’adopte » assure-t-il. Restera-t-il une grande partie de sa vie déiste avec une foi superficielle, survivance de ses habitudes d’enfance ?
« Comme homme Napoléon croyait, comme roi il jugeait la religion un puissant moyen pour gouverner » résume son ancien lieutenant de la chasse impériale, Robert de Beauterne.
Éduqué dans la foi catholique
Ajaccio, décembre 1775. « In nomine Patris et filii et spiritus sancti ». Pour la troisième fois, au cours de la prière du soir, Lætitia Bonaparte tient dans sa main droite la menotte malhabile du jeune Napoléon qui n’est pas très doué pour le signe de croix.
À genoux, près de l’âtre, avec ses frères, sous la tutelle à éclipse d’un père inlassable voyageur et la persévérance d’une jeune mère toujours disponible, chaque soir amène sa liste de prières latines. Qui se résument pour Napoléon par un mot magique « Amen ! » manifestant enfin la fin de la cérémonie. Il faudra bien des répétitions maternelles pour que la petite main aille du front au cœur puis de l’épaule gauche à l’épaule droite.
Sa mère, à la foi intense, élève ses huit enfants dans la ferveur catholique.
Napoléon naît le 15 août 1769, pendant la messe de la fête de l’Assomption de la Vierge. Sa mère, à la foi intense, élève ses huit enfants dans la ferveur catholique. Son premier maître, l’abbé Recco n’a aucun mal à enflammer l’imagination de cet enfant vif mais a moins de succès pour ancrer les principes de sa foi en Dieu.
Déjà à cinq ans, il faut le changer de pensionnat. Placé dans une école de filles où il était choyé par les religieuses, le petit garçon « à la maigre face burinée, au menton pointu terriblement volontaire » devient si redoutable qu’il faut remettre sa destinée scolaire entre les mains des Jésuites de la ville. « Le jour de ma première communion a été le plus beau jour de ma vie » dira-t-il beaucoup plus tard. Vraiment ?
Des doutes pendant la tourmente révolutionnaire
Entré à 11 ans à la prestigieuse École de Brienne, l’adolescent croit à son destin et à la Providence qu’il va accompagner par une solide formation militaire.
En 1787, le jeune et pauvre lieutenant « monte à Paris » et n’abandonnera pas ses pratiques religieuses : il fait sa prière matin et soir et assiste à la messe. Car « l’existence de Dieu, assure-t-il, est attestée par tout ce qui nous entoure, tout ce qui frappe notre imagination ».
« Le plus grand républicain est Jésus Christ. L'aristocratie est dans l'Ancien Testament, la démocratie, dans le Nouveau »
Napoléon
Napoléon
Arrive la Révolution, avec des idées nouvelles qui agitent les esprits. Bonaparte devient républicain à sa manière : « Le plus grand républicain est Jésus Christ affirme-t-il. L’aristocratie est dans l’Ancien Testament, la démocratie, dans le Nouveau ». Mais dans la tourmente, ses pensées religieuses sont heurtées et mises à l’écart. Racine, Montesquieu, Rousseau, Voltaire sont à présent ses modèles.
Difficile à cerner et à sonder l’âme de cet homme résolu, à la mémoire exceptionnelle, à la culture remarquable. Le jeune général de brigade nommé à 24 ans, devient secret sur son intimité. Après dix ans de conflits consécutifs à la Révolution, le Premier Consul ramène la paix religieuse en France par le Concordat de 1801. Pour lui, c’est une priorité : « Il n’y a pas de morale sans religion. Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole ».
Le 2 décembre 1804, il se fait sacrer Empereur à Notre Dame de Paris en présence du pape Pie VII. En 1810, il choisit le mariage religieux avec Marie-Louise d’Autriche, la nouvelle impératrice. Un an après, un Te Deum est célébré pour la naissance du Roi de Rome : « Mon âme s’élève vers le Créateur, confie-t-il, pour remercier le Ciel de m’avoir donné un fils » lequel sera baptisé en juin 1811 à la cathédrale de Paris.
Fervent mystique à Sainte-Hélène
Quatre longues années vont finir par consacrer la défaite de la France. Après la débâcle de Waterloo, l’Empereur battu rejoint l’îlot désolé de Sainte-Hélène où il va vivre six émouvantes années dans la douleur.
C’est là, sur le plateau aride de Longwood, que Dieu est placé au centre de ses conversations. Étonnantes, les discussions sur la religion qu’aurait eues Napoléon avec ses proches ! Notamment celles avec son médecin Antommarchi ou l’abbé Vignali qui l’accompagne.
Au soir de son existence, il semble que Napoléon vit un véritable retour à la foi, dans les tourments et la solitude de la captivité. Confronté à la maladie et à la perspective de la mort, on découvre un homme profondément croyant, un vrai chrétien. Un crucifix posé sur sa table de chevet, il prie à genoux, il va à la messe mais aurait refusé de se confesser.
Pour certains biographes, il faut faire preuve de prudence dans ces témoignages. Mais quel intérêt Napoléon aurait-il eu, en fin de vie, de simuler une foi qu’il n’avait pas ? « Je regarde la nature, je l’admire et je me cris : Il y a un Dieu…Il existe un être infini auprès duquel moi Napoléon, avec tout mon génie, je suis un vrai rien, un pur néant ».
Le 21 avril 1821 (il mourra le 5 mai), il émet le souhait d’être enterré dans une église et reçoit le sacrement des malades. Dès les premières lignes de son testament, il note : « Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine ».