Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la triste chronique de l'esclavage, dans sa brutalité et dans ses crimes, se confond très largement avec l'histoire même de l'humanité. Une tablette sumérienne déposée au musée des antiquités orientales d'Istanbul en apporte l'un des premiers témoignages. L'Egypte des pharaons, l'Empire romain ou les cités grecques ont développé sans retenue des pratiques esclavagistes, le plus souvent liées à des situations de guerre. L'esclave est un vaincu ou le ressortissant de territoires conquis par la force. Aristote, le philosophe athénien, y ajoute une justification économique : « Les esclaves, enseigne-t-il, ne seront plus nécessaires lorsque les navettes voleront toutes seules. ».
Mais il est bien vrai que ce sont les pays européens qui, dès le XVIe siècle, donnent à l'esclavage et à la traite toute leur extension et leur terrible ampleur, en direction principalement de l'Afrique et du Nouveau Monde récemment découvert. Il y a tout à la fois changement d'échelle et changement de méthode. Un édit de 1518 de Charles Quint, roi d'Espagne, autorise l'importation d'esclave africains en Amérique et inaugure le système des asientos , concessions du monopole d'Etat à des compagnies à charte. Le Portugal, la Hollande et l'Angleterre s'engagent rapidement dans cette voie.
2) M. Kofi Yamgnane.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, député métropolitain de la République, je porte aussi comme un stigmate sur ma peau l'histoire du peuple noir, du peuple d'esclaves dont nous débattons aujourd'hui.
Le commerce triangulaire, par ce qu'il représente de trafic, de marchandage, de veulerie et de bassesse, parce qu'il rabaisse l'homme au rang de marchandise, parce qu'il nous renvoie à une image des plus méprisables de ce que nous sommes ou de ce qu'ont été nos aïeux, le commerce triangulaire, ce commerce « déshumanitaire », justifie la condamnation et appelle la qualification de crime contre l'humanité.
C'est pourquoi je me félicite que mon groupe politique à l'Assemblée nationale soutienne la proposition de notre collègue Christiane Taubira-Delannon. J'approuve totalement cette proposition et j'appelle tous les collègues à la voter.
Dans le même temps je n'y vois qu'un premier pas, la première pierre d'un édifice à construire. L'initiative est heureuse, mais la condamnation de la barbarie passée doit s'étendre désormais à la condamnation de la barbarie présente ou à venir.
M. Serge Blisko.
Très bien !
M. Kofi Yamgnane.
En effet l'ignominie n'a pas d'époque. La réduction d'un peuple à l'état d'esclave n'est pas l'apanage d'une période.
M. Yann Galut.
C'est vrai !
M. Kofi Yamgnane.
Depuis la haute Antiquité jusqu'aux plus récents génocides ethniques, cette triste réalité devra désormais remplir les pages des manuels d'histoire enseignée aux générations futures.