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par Cyril Drouet » 15 déc. 2018, 17:19
La pétition des habitants de Saint-Denis, le 17 mai 1840 :
"Messieurs,
La résolution sublime, le grand acte de réparation que le gouvernement vient de proclamer du haut de la tribune en réclamant de l'Angleterre les dépouilles mortelles de Napoléon ont retenti dans la France entière ; tous les cœurs vraiment français ont tressailli d'une vive et sainte allégresse. Mais au milieu de la satisfaction générale, une question préoccupe et divise les esprits sur l'emplacement le plus convenable pour ériger le tombeau qui doit recueillir ces précieuses cendres et les transmettre à la postérité.
Nul doute que le Dôme des Invalides ne soit digne, sous bien des rapports, de recevoir ce monument sacré. Sous ses voûtes glorieuses reposent les lieutenants, les compagnons du grand homme ; de vieilles illustrations militaires, de braves défenseurs de la patrie s'y trouvent réunis. Mais Napoléon fut empereur et roi ; Napoléon avait, lorsqu'il gouvernait la France, choisi lui-même sa dernière demeure. En faisant, à grands frais, restaurer la basilique de Saint-Denis, il y désigna et fit aménager le caveau qu'il destinait à sa sépulture. Ce caveau existe encore aujourd'hui, l'entrée seule en a été murée, les portes de bronze sont conservées. A ce titre de souverain légitime, que le malheur n'a pu lui ravir, que l'histoire a consacré à tout jamais, sa place n'est-elle pas marquée dans cette enceinte ! Peut-elle être ailleurs qu'au centre des sépultures royales que lui-même avait confiées à la garde d'un chapitre créé par lui et exclusivement chargé de donner aux cérémonies religieuses la solennité qu'exigent les mânes illustres qu'on y dépose.
Si les ombres de Charlemagne, de saint Louis, de Louis XII, de François Ier, de Henry IV pouvaient sortir de la nuit des tombeaux, elles se rallieraient autour de celle de l'empereur pour rendre hommage à son vaste génie et lui donner l'accolade fraternelle, car la race des héros couronnés ne font qu'une seule et même famille.
En déposant les cendres de Napoléon auprès de celles des souverains qui ont illustrés la France, qui ont été les pères du peuple et l'orgueil de la patrie, la nation remplirait un pieux devoir, exécuterait à la lettre les dernières volontés du grand homme, puisque Saint-Denis est sur les bords de la Seine et que c'est dans cette ville qu'il pensait devoir être enseveli.
Pénétrés de cette vérité, les habitants de Saint-Denis, aussi honorés que fiers de posséder ce précieux dépôt qu'ils conserveraient avec vénération, viennent, au nom de l'illustre défunt, réclamer pour ses restes mortels la sépulture des rois, non comme une faveur spéciale, mais bien comme une juste et noble satisfaction due à la mémoire de celui qui a tant fait pour la civilisation et la gloire de son pays. Ils osent espérer que cette réclamation trouvera de la sympathie dans la Chambre, qu'elle y sera favorablement accueillie et fortement appuyée par les honorables membres dont elle est composée."