Bruno Roy-Henry a écrit : Les cendres de l'Empereur valaient-elles un enième conflit avec l'Angleterre ? En 1840, M. Thiers était de cet avis, mais pas le roi Louis-Philippe.
Là vous m’intéressez ! Qu’a donc dit Adolphe Thiers ? A-t-il parlé de la substitution ?
Cela dit, vous vous trompez dès le départ car s'il y a bien l'absence de témoignages, il ne manque pas d'indices, ni même de témoignages implicites, comme nous n'avons pu le vérifier que tardivement du fait des publications très lentes des mémoires de Marchand, des cahiers de Bertrand ou des souvenirs de Saint-Denis...
Mais le problème est bien là : implicites dites-vous ? Mais ce qui n’est pas exprimé, ce qui n’est pas explicite (comme la constatation de la substitution en 1840), n’est pas nécessairement implicite. Non. Ceci peut ne pas être du tout.
Les traces concernant Napoléon III, on les retrouve dans l'Intermède des chercheurs et des curieux, à la fin années 1890, avec la réponse explicite de Charles Nauroy. Ce dernier savait à quoi s'en tenir pour le cénotaphe, puisqu'il avait été le conseiller du président Sadi-Carnot. C'est grâce à son témoignage que nous avons pu retrouver les articles du Gaulois de septembre 1887 : comme traces, c'est plutôt explicite, ne vous en déplaise...
Mais une fois de plus, c’est l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours… Si document il y a, où est-il ? Nauroy, il a vu mais ne publie pas ? Ne révèle pas ? Ne cite pas ? Je ne demande qu’à être convaincu, mais par des éléments crédibles, irréfragables. Pas par les fanfaronnades stériles et égoïstes de Nauroy. Pas non plus par des didascalies posthumes et captieuses qui voudraient donner une intention orientée à des nuances ou des dissemblances dans tels ou tels écrits.
Autre argument de poids, comme il n’y a pas de réfutation officielle à la soustraction ultérieure du mauvais corps, c’est donc qu’elle a bien existée ! Imparable ! :bravo2:
Je ne sais où vous avez pu lire un tel argument, mais ce n'est certainement pas sous ma plume.
Je vous l’accorde, pas sous votre plume ; ce genre de raisonnement scabreux est compris dans l’épisode des articles du Gaulois, dont les journalistes prennent l’absence d’un responsable pour une fuite, un aveu.
Oui, pour l’instant, je reste sur ma faim. Ni les comparaisons entre les témoignages de 1821 et ceux de 1840, ni l’hypothèse de la soustraction ultérieure du mauvais corps ne me semblent convaincantes, bien au contraire.
Vous n'êtes pas convaincu, mais vous l'étiez avant même d'entrer dans le dossier, que vous n'avez fait que survoler, sans aller jamais au fond des choses...
Je vous l’accorde également bien volontiers. Je n’étais pas convaincu ; depuis bien longtemps déjà, on m’a enseigné que le tombeau de Napoléon était aux Invalides. Mais comme j’essaie d’être curieux, je me suis intéressé à votre thèse, en espérant être séduit par les arguments et la démonstration. Mais je vous l’ai dit, je reste sur ma fin ; les conclusions que vous tirez de certains faits, de certains éléments me laissent pantois et ne me convainquent nullement.
Vous avez, me semble-t-il (mais ce n’est que mon avis, celui d’un quasi ignare je vous le concède), essayer d’accumuler les éléments étayant votre thèse, quitte à vous appuyer sur des choses - ordre de la Réunion, les vases, les cercueils, etc. - sans fondement. N’y gagneriez-vous pas à élaguer vos thèses de ces éléments ?
Quant à demander à vos « contradicteurs » de réfuter par l’ADN les affirmations que vous ne prouvez nullement… Cet artifice me convainc encore moins.
Le prince Charles Bonaparte et sa soeur ont demandé cet examen. On le leur refuse pour de mauvaises raisons.
Quelles sont ces mauvaises raisons ?
D’ailleurs, petit détail en passant ; tester l’ADN du derme conservé au musée de l’Armée ne donnera jamais l’identité du pensionnaire, ou de l’absent si vous voulez, du tombeau des Invalides.
Le derme est « attribué » à l’exhumé ? Les masques funéraires, pourtant si différents, sont aussi « attribués » à l’Empereur. Et pourtant…
Mais vous semblez admettre qu'en aucun cas ce derme ne peut être celui de Napoléon ! C'est bien étrange, puisque grâce au Pr Lucotte, nous avons désormais le génome complet de l'Empereur ! Il sera donc très facile de déterminer l'authenticité de cette relique. D'autant plus qu'il existe un dossier solide pour démontrer que la relique (et le reliquaire) proviennent bien du Dr Guillard et donc de Sainte-Hélène...
Oh, je n'admets rien, point de conclusions hâtives, je vous prie. Je n’admets rien, je n'affirme rien. Qui suis-je pour affirmer quoi que ce soit ? Je ne sais à qui appartient ce derme, pas plus que je ne sais à qui sont ces différents masques funéraires. Je souligne simplement que ce derme est "attribué" à l'exhumé de Saint-Hélène. Rien d'autre. Et le terme "attribué" entraîne nécessairement un doute scientifique.
La science n’a que faire des ouï-dire ou des écrits ; ce qui est « attribué » ou « réputé appartenir » n’est pas scientifique. Comparer le derme du musée de l’Armée n’identifierait que le derme conservé au musée de l’Armée. Rien d’autre.
J'ai l'impression que vous avez un certain culot en vous couvrant du manteau de la science. Cette sentence finale n'est ni logique, ni scientifique. Même au musée de l'Armée, on n'ose plus tenir un tel discours. Le bien-fondé de l'examen est désormais admis, mais il est renvoyé aux calendes grecques...

Culot ?

Vous me flattez. J’avais pourtant l’impression de faire preuve d’une grande banalité en ne faisant que rappeler un fait scientifique. Comparer le derme du musée de l’Armée n’identifierait que le derme conservé au musée de l’Armée. Pour identifier scientifiquement l’éventuelle dépouille du sarcophage des Invalides, il faudrait comparer scientifiquement de l’ADN prélevé à même cette éventuelle dépouille, et non pas de l’ADN prélevé sur un derme « attribué ». C’est tout ce que je disais.
La vérité scientifique n’est pas la « vérité historique » qui, elle, se nourrit de la science, évidemment, mais aussi des textes, des traces archéologiques, des débats, etc. Vous n’êtes pas naïf, vous savez mieux que moi qu’une analyse du seul derme du musée de l’Armée,
quel que soit son résultat, ne fera qu’ouvrir un nouveau débat historique sur l’appartenance ou non de ce derme à l’exhumé de 1840 et/ou à Napoléon. Pour éviter ce nouveau débat, analysez le corps du délit, la dépouille des Invalides.
Point d’idéologie dans mon ressenti ; une fois encore, c’est la forme - vos arguments, vos cheminements, votre méthode, vos certitudes - qui me chagrine. Car ne vous méprenez pas, sur le fond je suis peut-être plus royaliste que le Roy-Henry. Car après tout… pourquoi ne pas analyser le sarcophage des Invalides ? De nos jours, la science permet d’exhumer, de creuser, de percer, de radiographier, d’ADNiser, de carbone-quatorziser, etc. Et on ne s’en prive pas. Et cela nous permet d’apprendre aujourd’hui ce à côté de quoi nous serions passés hier. N’importe quel objet sorti de terre, n’importe quel mort, fût-il pharaon, passe dorénavant une batterie de test à faire pâlir un astronaute. Si Napoléon était rapatrié de Sainte-Hélène de nos jours, entre Villacoublay et les Invalides, il ferait un crochet par l’hôpital Bégin pour y subir examen médico-légal, scanner, radio, analyse ADN, ou autres. Oui mais voilà, il est rentré en 1840.
Mais ce n’est pas simple. Napoléon est un symbole. C’est ainsi. Et un symbole, on n’y touche pas comme ça. C’est compliqué. Un exemple me vient : le soldat inconnu. Doit-on, un jour, pour la vérité, pour l’histoire, l’exhumer et l’expertiser pour, pourquoi pas, l’ADN aidant, le rendre à sa famille ? Je ne parle pas ici de la faisabilité de la chose, ce serait difficile techniquement comme généalogiquement, mais peut-être réalisable. Mais du point de vue du symbole ? Si une famille lambda vient demander, éléments de doute, ou de preuve à l’appui que l’on ouvre le tombeau pour vérifier que leur arrière-petit cousin est à l’ombre de l’Arc-de-Triomphe, que fait-on ?
Pourquoi ne pas étudier, un jour, la dépouille de l’Empereur ? Oui, mais étudier pour de vrai. Pas juste piocher un soupçon d’ADN « attribué » pour prolonger une quête personnelle. Non, étudier vraiment, une étude de médecine légale, avec tout le confort des technologies et des chimies actuelles. Ou futures. Car, pourquoi ouvrir aujourd’hui alors que demain ou dans dix ans, les technologies seront peut-être tellement plus performantes ? Quand ouvrir un tombeau ? Et à quelles conditions ? Quand passe-t-on de la sépulture, du lieu de mémoire, du symbole, à la pièce de musée, à l'échantillon de laboratoire ? Quelle dose de doute, d’interrogations, de questionnements est nécessaire pour expertiser ? Où situer le curseur ? Qui peut décider si une demande, si une recherche est légitime ou saugrenue, si elle est nécessaire ou fantasque ? Doit-on tout analyser ?
